La Fondation FALRET organisait son désormais traditionnel Forum CAP SUR LA SANTE MENTALE sur le Parvis de La Défense du 14 au 16 mai 2018. Le thème de la première journée était : PARCOURS DE SANTE, le virage ambulatoire, sujet approfondi dès la 1ère Table Ronde du forum : « Le virage ambulatoire : Où en est la France ? Quelles dispositions prises ou à prendre ? »
Interventions résumées du Dr Roger SALBREUX(1) et de Mme Claude HOVHANESSIAN-GANDILLON(2) invités au titre du Conseil national handicap & du Collectif 100.000 handicapés psychiatriques à l’abandon)
« PLUS DE 100.000 CONCITOYENS HANDICAPESEJECTES PAR LE VIRAGE AMBULATOIRE »
1 - Le « virage ambulatoire » date en réalité des années 1950/60 et résulte de la conjonction de deux évènements postérieurs à la dernière guerre et à ses horreurs(3), le premier est ce qu’on a appelé la « révolution psychiatrique » (émergences de la psychothérapie institutionnelle et de la sectorisation) qui a permis la « désinstitutionalisation(4) » des patients, et le second, l’apparition des premiers neuroleptiques.
2 - La désinstitutionalisation et le virage ambulatoire ont permis une prise en charge plus humaine des patients, avec la prise de conscience (progressive et inachevée) du principe qu’il ne devrait pas y avoir de soins sans accompagnement ni d’accompagnement sans soins. Mais ils ont aussi été l’occasion pour les Pouvoirs publics, confrontés aux déficits budgétaires chroniques depuis le choc pétrolier de 1973, de pratiquer une politique sans nuance et continue de fermeture des lits de psychiatrie (plus de la moitié de ceux qui existaient au lendemain de la guerre).
3 - Au final, ils laissent au bord du chemin de 100 à 150.000 (et sans doute plus) de nos concitoyens affectés par les psychoses chroniques graves, « éjectés » par le virage ambulatoire.
4 - Faute de prise en charge, ces personnes sont condamnées à un sort indigne. Laissées d’abord, quand ils en ont encore une, à leur famille qui, vivant un enfer, se brisent ou disparaissent, on les retrouve dans la rue, en prison ou, pour un petit nombre d’entre eux, en Belgique, à grands frais pour la Sécurité sociale française et les Départements d’origine.
5 - Il existe pourtant des solutions, parmi lesquelles les établissements de psychothérapie institutionnelle(5). Cette forme de travail thérapeutique est particulièrement adaptée à la prise en charge dans la dignité et avec la constance nécessaire, tant en soins qu’en accompagnement vers la réinsertion, des psychotiques les plus lourds. Elle est souvent et injustement taxée de désuétude bien que toujours, dans les faits, à la pointe de la performance – et n’exclue pas l’usage des autres thérapies. Le plus paradoxal est que les rares cliniques à but non lucratif de ce type qui subsistent en France se montrent très « compétitives » sur le plan du prix de journée.
1 - Pédopsychiatre, Président du comité éthique et scientifique de la Fondation Internationale de Recherche Appliquée sur le Handicap (FIRAH), Ancien Secrétaire Général du Conseil national handicap, Ancien Président de l’Association Internationale de Recherche scientifique en faveur des personnes Handicapées Mentales (AIRHM), Initiateur des Centres d’Action Médico-Sociaux Précoce (CAMSP), Ancien chercheur au CESAP, (Comité d'Études, d'Éducation et de Soins Auprès des Personnes Polyhandicapées) 2 - Membre du CA du Conseil national handicap en charge de la Santé, Porte-parole du Collectif 100.000 handicapés psychiatriques à l’abandon, Ancienne Directrice du Label du Journal ELLE et des titres associés.
3 - 45 000 morts de faim dans les asiles psychiatriques (Von Bueltzingsloewen, L'hécatombe des fous, la famine dans les hôpitaux psychiatriques français sous l'Occupation, Poche-Flammarion 2009, Aubier 2011). 4 - Désenfermement de l’asile psychiatrique.
5 - Il ne reste que quelques rares établissements privés et encore moins de services publics qui la pratiquent encore.