On l’a compris à son patronyme, Philippe FABRE-FALRET va nous parler d’une longue histoire initiée par un de ses ancêtres. Ce n’était pas sa vocation : quand il a repris cette institution qui porte son nom, il s’intéressait au monde des affaires et aux nouvelles technologies. C’est un entrepreneur. Mais en 1998, l’Œuvre Falret est en situation délicate et s’étiole. L’entrepreneur va découvrir le monde associatif, le monde du bénévolat, dont la logique n’est pas celle de l’entreprise, et surtout le monde de la santé mentale déficiente. Son énergie de développeur, ses talents de manager, il va les mettre au service de la vénérable institution créée au milieu du XIXe siècle par son aïeul le Docteur Jean-Pierre FALRET, un des pères fondateurs de la psychiatrie française et un pionnier, un innovateur en son temps. Tellement innovateur qu’à bien des égards son œuvre scientifique reste d’actualité. C’est lui l’origine de l’Œuvre Falret[2], de cette première initiative au regard d’un sujet qui nous préoccupe toujours aujourd’hui : « QUOI APRES L’HOPITAL PSYCHIATRIQUE ? » Le gène de l’innovation s’est transmis au digne descendant, et le livre montrera l’extraordinaire évolution de l’institution (créée en 1841) sous la houlette de Philippe FANRE-FALRET, une vieille dame déjà plus que sesquicentenaire quand il en a pris la direction.
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Ce livre se décompose en trois grands thèmes d’un ordre logique, le passé, le présent et l’avenir. Celui qui le lira au-delà de ces simples notes qui sont forcément partielles (et qui n’ont d’autre ambition que d’inviter à cette lecture intégrale) ne manquera pas d’être surpris par le volume considérable de l’information fournie par l’auteur et ses collaborateurs tant dans le domaine général que dans le domaine particulier de l’institution dont il est question. Les textes en italique sont repris du texte original[3]. Suivons l’ordre de l’ouvrage.
L’avant-propos fixe d’emblée la vision, qui était déjà celle du Dr Jean-Pierre Falret : la personne en souffrance psychiques est malade, elle ne doit pas être traitée en paria, mais soignée et si possible réintégrée dans la société. Comment sont nés et se sont développés les soins et l’accompagnement en santé mentale est l’objet même du livre. Celui commence par le récit éclairant du cas d’une jeune femme que son passage par le Foyer fondé en 1863 par le Dr Falret rue du Théâtre à Paris, et qui existe toujours, a permis de se réinsérer dans la vie ordinaire.
- L’histoire de l’Institution Falret dans cette histoire de la psychiatrie
La partie historique du livre remonte très loin, aux temps obscurs de la folie, une revue passionnante mais que nous ne résumerons pas ici sauf pour rappeler que les premiers soins de la folie ont été pris en charge par des religieux. L’implication des congrégations dans les établissements durera jusqu’à la fin du XXe siècle (y compris au Foyer Falret), elle mérite donc d’être rappelée. Nous passerons rapidement aussi, bien que ce soit passionnant mais pas une découverte pour qui a un peu étudié le sujet, sur les grands précurseurs qui ont « hospitalisé » les aliénés au lieu de les enchaîner, les fondateurs de la psychiatrie, les médecins aliénistes comme on disait alors, Pinel et Esquirol. Falret, élève du second, est directement leur successeur. Il sera un artisan clé de la création des asiles, lieux d’accueil, de soins, de sécurité et de calme, beaux, clairs et aérés selon les préceptes d’Esquirol, ces établissements spéciaux[4] conçus pour prendre en charge dans la dignité les aliénés, et de la loi fondatrice de 1838 (qui n’a été abolie qu’en 1996). Avec un associé, il crée à Vanves (encore à la campagne à l’époque) la première maison de santé privée, où les patients, déjà, bénéficient de contacts externes, la famille notamment, et d’un début d’accompagnement. Elle subsistera jusqu’en 1932. Il n’en reste à Vanves que le parc, le porche, un bâtiment et une rue Falret.
Dans le sillage de ses prédécesseurs qui avaient initiés la démarche, Falret enseigne à la Salpêtrière. Il a laissé un corpus structuré de leçons sur les observations cliniques des symptômes des troubles de l’intelligence et de la sensibilité, sur les illusions et les hallucinations, sur l’installation de la maladie (invasion), son plateau (période d’état) et sa possible rémission. Il élabore et affine, à partir de ses observations, une classification des maladies mentales par degré et par formes qui fait encore sens, même si on en a changé les noms. Par exemple la folie circulaire est devenue maniaco-dépression puis bipolarité, les démences sont devenues les schizophrénies, la mélancolie dépression. Les noms changent, les classifications s’affinent, se démultiplient, tel le DSM américain[5]. Falret a toujours distingué les folies (aliénation générale ou partielle) et la déficience intellectuelle (idiotisme).
Falret est aussi un théoricien du diagnostic, qui mène une réflexion approfondie sur la raison et le sens commun (une notion si évolutive d’une époque et d’une civilisation aux autres) et l’aliénation, sur les dangers induits par un diagnostic trop tardif qui conduit à la chronicisation, à la destruction des familles, aux drames et en conséquence à l’application à des aliénés de lois terribles qui ne devraient atteindre que les scélérats. Et dire que nous en sommes encore là aujourd’hui pour tant de personnes handicapées psychiatriques à l’abandon ! (NDLR)
Falret pensait l’aliénation en termes de maladie et donc que la guérison était possible, sauf pour l’idiotisme, la folie circulaire et les démences, mais les chances de curabilité diminuent avec le temps. Toutefois la science contemporaine a démontré que si on peut stabiliser les symptômes, on ne peut pas parler de guérison au sens de rémission complète et définitive.
Néanmoins, cette conviction de la guérison a eu une conséquence essentielle dans la démarche de Falret : qui dit guérison dit convalescence et prévention de la rechute. Lesquelles doivent s’appuyer sur la capacité de résilience du patient, qu’il faut aider et encourager. C’est cela même qui le conduira à la création de sa Société de patronage en 1841, destinée à accueillir et accompagner les « convalescentes » pauvres au sortir de l’hôpital dans le foyer de la rue du Théâtre. En 1865, il crée, avec l’aide de religieuses, un « asile-ouvroir », en quelque sorte un premier CAT. Cet asile-ouvroir Sainte-Marie est devenu en 1954 le premier CHRS[6]. Falret a toujours considéré la religion comme un facteur thérapeutique moral d’où sa propension à s’associer à des congrégations pour la tenue de ses établissements. Ce sera le cas pour le Foyer jusqu’en 1993. Entre temps, en 1959, le Foyer et la Société deviennent l’Œuvre Falret pour en adapter les statuts à l’évolution des activités.
La réadaptation par le travail va se trouver confrontée, après le choc pétrolier de 1973, à la montée du chômage et à la bureaucratie de contrôle budgétaire qui se met en place pour tenter de faire face à la chronicisation des déficits de l’Etat y compris en termes de santé publique[7]. C’est en même temps la période où les hôpitaux psychiatriques, grâce aux psychotropes, s’appuient de plus en plus sur le secteur psychiatrique, né du mouvement de « désinstitutonnalisation[8] », et sur le suivi ambulatoire, ce qui modifie sensiblement le public accueilli par l’Œuvre : ce ne sont plus forcément des « convalescentes », mais des malades sous chimiothérapie avec les risques d’interruption de traitement que l’on connaît bien dans ce type d’affections.
- L’entrée dans la diversification des activités et la vision inclusive
Avec cette transformation du public, l’Œuvre Falret va devoir s’adapter. Le CHRS devenant malgré lui une sorte de centre postcure para médicalisé ne correspondant ni à son statut (sévèrement ré encadré dans les années 90 par l’Administration) ni à son fonctionnement. La crise existentielle qui se dessine portera, en 1997, à la présidence du conseil d’administration Philippe Fabre-Falret après un passage de celui-ci par l’association des Amis de l’Œuvre Falret au cours duquel il a vite compris que l’héritage psychosocial de Jean-Pierre Falret ne résistera pas au mode de fonctionnement que veut imposer la DDASS. Avec une nouvelle direction, Philippe Fabre-Falret entame un redressement profond des pratiques de l’Œuvre, moins de médical, plus d’accompagnement socio-éducatif, réorientation des résidentes présentes depuis trop longtemps. Ainsi qu’un assainissement financier.
Après le récit de ce véritable redressement (et sauvetage), l’ouvrage se consacre à la façon dont l’Œuvre va désormais s’efforcer de s’inscrire dans l’évolution du dispositif de la psychiatrie francilienne et de l’appareil psycho-social. C’est d’abord le constat d’un cloisonnement entre les professionnels allant jusqu’à l’ignorance de ce que font les autres (la fameuse organisation en silos). C’est aussi le constat que le médico-social, avec l’émergence de la notion de handicap, est un espoir de relayer une psychiatrie peu outillée[9]. Et voilà l’éclosion d’une multitude de sigles (utilement répertoriés en appendice à l’ouvrage) correspondant aux établissements et services que le champ médico-social offre au public concerné selon son degré d’autonomie et d’habiletés : MAS, FAM, foyers de vie, d’hébergement, CAT devenus ESAT, etc. En 2007, l’Œuvre ouvre à Paris la première MAS troubles psy du pays en coopération avec l’hôpital de Maison-Blanche qui ainsi ne garde en pavillon plus qu’une centaine de « laissés pour compte »[10]. Cette MAS a accueilli des patients ayant jusqu’à 40 ans d’hospitalisation, démonstration qu’ils n’étaient pas si « incurables » qu’on le pensait.
Ces années 2000 sont celles où se sont succédés en rang serré rapports et livre blanc, bourrés d’analyses, de diagnostics et de propositions, qui ont abouti à la loi handicap de 2005, avec la reconnaissance de la qualité de personne handicapée aux patients souffrant de troubles psychiques, intellectuels et cognitifs invalidants[11]. Finie l’exclusion et la marginalisation, les handicapés psychiques ont les mêmes droits et bénéficient des mêmes aides que les handicapés physiques. La psychiatrie publique, dont les moyens continuent à être contraints, doit s’ouvrir bon gré mal gré aux collaborations extérieures du champ médico-social, les désormais classiques MAS, mais aussi de nouvelles formules plus ouvertes (foyers, services d’accompagnement et d’aide à l’insertion professionnelle) dont l’objectif est d’aider à l’autonomisation des personnes concernées. Dans ce contexte, l’Œuvre Falret a déployé sur ces 15 à 20 dernières années une trentaine d’établissements et de services employant près de 640 professionnels pour offrir une large palette de solutions concrètes à 3150 personnes en souffrance, depuis celles qui sont au plus mal (les psychotiques les plus chronicisés) et ont besoin d’une assistance importante en MAS et même de protection judiciaire, jusqu’à celles qui vont mieux et qui ont encore besoin d’aide pour reconquérir de l’autonomie, de l’estime de soi, du plaisir de vivre, du goût à formuler des projets, de la capacité à la responsabilisation, de la participation et de la contribution à toutes sortes d’activités y compris associatives[12], ainsi qu’à des Groupes d’Entraide Mutuel (GEM). Un parcours bien sûr cahoteux mais qui montre qu’on peut espérer contre toute espérance. Quel que soit le stade où elles en sont, ces personnes bénéficient d’une véritable culture de l’écoute qui a été infusée dans tout le groupe. Le développement de celui-ci a été rendu possible grâce à l’adaptabilité à l’innovation de ses structures et à la confiance qu’il a su nouer avec les partenaires publics et les administrations de tutelle.
C’est évidemment le retour à l’emploi (travail, source de bienêtre) qui se révèlera le plus problématique avec un marché du travail en milieu ordinaire devenu extrêmement concurrentiel. Trop (euphémisme pour ne pas dire une grande majorité) de personnes en souffrance psychique doivent se contenter de l’AAH pour vivoter. La Reconnaissance en Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) ouvre des possibilités aux plus déterminées. Leur itinéraire passe par l’ESAT, puis, plus proche du milieu ordinaire, par l’Entreprise Adaptée (EA). Des outils existant dans la palette du groupe.
- Un avenir de combats
On sait qu’il vaut mieux prévenir que guérir, et c’est inscrit dans la loi de 2005. Prévention en santé mentale, c’est un vaste programme où presque tout reste à faire tant sont diverses les sources d’atteinte à cette santé mentale dans la vie moderne, au travail comme en famille. Ce point n’est qu’affleuré dans l’ouvrage, de même que celui du nombre considérable de personnes en souffrance qui ne se sont jamais adressées à la psychiatrie, n’y pensant pas, n’osant pas ou ne voulant pas, toutes celles qui connaissent ou subissent un parcours de rue. Pour l’heure, tout cela est hors de la palette du Groupe Falret, mais que l’ouvrage pose ces questions signale une préoccupation de l’action future du groupe, notamment de la Fondation, on y reviendra, et nous ne pouvons que nous en féliciter.
Plus imméditement, le groupe développe de nouvelles approches pour conforter la pertinence de ses actions et les effets positifs ce celles-ci. Il promeut l’éducation thérapeutique dont le but, disait la loi HPTS de 2009, est de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitement prescrits et en améliorant sa qualité de vie. Les thérapies cognitivo-comportementales de la 3e vague, bien que non mentionnée par l’auteur, sont précisément sur cette longueur d’ondes. L’ouvrage mentionne d’autres outils, le WRAP, le PEPS, le TREE sur lesquels nous ne nous étendrons pas ici, mais qui témoignent de la perméabilité à l’innovation déployée par les équipes du groupe. On constate que, désormais, c’est le parcours de vie des personnes qui est au centre du dispositif, et non l’inverse historique qui consistait à « caser » les personnes en fonction de critères trop multiples pour que cet aiguillage soit pleinement efficace et satisfaisant. Mais ce n’est pas évident, il faut surpasser bien des blocages dans le système, qui perdurent après ou malgré la loi de 2005 comme en témoigne les rapports successifs aux ministres de la santé[13]. L’un de ces blocages est évidemment la saturation des structures ainsi que leur frilosité à s’ouvrir à des cas un peu « hors case habituelle », les conduisant à des refus (même s’il y a, par chance, une place disponible) et par suite à désemparer des familles épuisées. La complexité du parcours individuel de chaque personne concernée pour se dépatouiller dans le dédale des offres de soins et psychosociales, les complications liées à d’autres affections de type somatique, la diversité et l’évolutivité des besoins d’assistance et d’accompagnement, l’importance accordée à l’écoute de la personne elle-même, actrice de son projet, tout cel rend nécessaire l’émergence d’une nouvelle fonction transversale, celle du case manager[14].
Le poste d’aiguillage, c’est aujourd’hui les MDPH cantonnées dans une logique départementale en raison de la départementalisation du secteur médico-social surtout en termes de financements. En cas de besoin, pour un usager, de changer de nature de structure (par exemple MAS => FAM), il faut repasser par la MDPH. Et encore une fois si, en cas d’échec, il faut revenir à la « case » précédente ! Alors qu’on en manque cruellement, quelle perte de temps, d’énergie, de ressources : selon Philippe Fabre-Falret, plus de 50 % de nos ressources et de notre énergie sont exploitées à des tâches inutiles ou du moins qui ne correspondent pas aux besoins des personnes accompagnées. Ces travers, il va falloir ler corriger par la fluidité de l’accueil, ainsi la mise en place de la RAPT, ou Réponse Accompagnée Pour Tous, supposée mettre en œuvre les préconisations du rapport Piveteau (voir note 13) et déboucher sur des plans d’accompagnement global (PAG) coordonnés dans le cadre des nouvelles Plateformes Territoriales d’Appui (loi du 27/1/2016) qui franchissent si nécessaire les cloisonnements, notament un cadre départemental trop strict. Quel effort d’adaptation doit être fourni par les professionnels pour aboutir à ce décloisonnement pour une offre modulaire personnalisée et ne stigmatisant pas les toujours possibles échecs ! Chez Falret, ils y sont aidés par un organe de formation, Alphapsy, créé en 2015, ouvert aux professionnels externes au groupe et aux entrerises.
Le groupe multiplie les partenariats avec les services sociaux des départements, par exemple en créant un service MASP[15], ou interdépartementaux (logement et hébergement notamment) et mutualise des moyens avec des établissements dépendant de ces derniers, ainsi qu’avec d’autres associations dédiées à des problèmes de santé spécifiques, tels diabète ou troubles alimentaires…
Enfin, le groupe multiplie les contacts avec les associations parentales et professionnelles (UNAFAM, FNApsy…) et développe par lui-même des disposirtifs pour aider les familles et les aidants, ce qui participe à une meilleure prévention. Il adopte clairement les recommandations du rapport Laforcade (voir note 13) en ce qui concerne le maintien à domicile des patients, pour éviter le placement en établissement, et va jusqu’à citer le comentaire de Me Devandas-Aguilar[16] : « il n’existe pas de "bons établissements" » car ils « imposent un mode de vie… qui entrave la capacité de l’individu à mener une vie décente sur la base de l’égalité avec les autres ». Une affirmation, on le devine, que nous trouvons proche de l’irresponsabilité s’agissant de personnes sévèrement handicapées psychiques (NDLR). Cela dit, l’ouvrage adhère au principe du housing first (un chez-soi d’abord), un cocept américain qui a fait ses preuves. Encore faut-il, souligne l’auteur, que la personne concernée puisse y accéder, des paliers sont nécessaires, et une fois la personne seule chez elle, elle n’est pas « guérie », il faut donc s’entendre avec les bailleurs sociaux pour accueillir et garder ce type de « locataire hors norme » pouvant semer des troubles ou oublier de payer le loyer.
Le combat à venir sans doute le plus complexe sera celui de l’accès à l’emploi, surtout en visant l’inclusion en milieu ordinaire. Le groupe s’est doté de deux services d’emploi accompagné et d’un service d’appui sur les départements 75, 78 et 93 et développe un réseau de partenaraiat public/privé.
L’ouvrage se termine par une double conclusion. D’abord un constat sévère que nous partageons et avons dénoncé par ailleurs : « manque de place et turn-over des hospitalisations, saturation des structures transitionnelles de long séjour, fortes inégalités territoriales des institutions en support, incapacité de la politique sanitaire et sociale à assurer un retour dans la société de personnes concernées, insuffisance de la prévention des crises et de la rechute… En second lieu, cette pensée en droite ligne avec l’héritage de Jean-Pierre Falret : amour, respect et encouragement sont à la base du rétablissement des personnes en fragilité psychique. Ce n’est pas à elles de s’adapter, plus ou moins au forceps, à la société, c’est à la société de s’adapter à elles C’est ça, une société inclusive à l’égard des plus vulnérables.
Après cette conclusion, l’ouvrage propose trois annexes. La première est une synthèse chronologique de l’histoire du groupe de 1841 jusqu’en 2019. La seconde liste les principales composantes du groupe Falret et la troisième expose les 20 propositions de la Fondation Falret pour améliorer la santé mentale des Français, classées en deux chapitres, Politiques générales et Bien–être des personnes / organisation des services et interventions. Le titre précise que ces propositions résultent de du Forum « Cap sur la santé mentale » de 2018 à La Défense, auquel nous avions été conviés[17]. Elles sont dignes d’un grand intérêt, et complèteraient utilement la « feuille de route » de juin 2018 (voir note 13). A ce titre, il faut espérer qu’elles retiendront l’attention des hautes sphères du ministère, et en particulier inspireront le Délégué ministériel à la Psychiatrie et à la santé mentale que le COVID 19 place sans doute actuellement en stand-by. Pour notre part, nous apportons notre support sans faille à deux d’entre elles qui sont au cœur de notre combat[18]. Les voici :
N° 15 : Identification des perdus de vue, sortis des parcours d’accompagnement et de soins, et accompagnement de leur retour vers le système de santé et d’inclusion sociale : mise en place de mesures dans le sens « d’aller vers ».
N°16 : Prise en compte des personnes sans solution, notamment les malades les plus lourdement invalidés, hospitalisés au long cours[19], abandonnés à la rue ou incarcérés
Une table des sigles, fort utile pour se repérer dans le maquis des organismes et des dispositifs qui foisonnent à la française, avec une volonté de tutelle sidérante des autorités publiques sur tout, ainsi qu’une pertinente bibliographie complète ce livre d’une richesse informative telle que le présent compte-rendu aura forcément omis quelques éléments pourtant dignes d’intérêt. Que l’auteur et ses collaborateurs nous en excusent, mais restituer 330 pages en 7 est une gageure.
[1] Prendre contact avec la Fondation Falret : https://fondation-falret.org/contacter-la-fondation-falret/; téléphone 01 58 01 08 90
[2] Dont la dénomination originelle était : Société de patronage pour les aliénées indigentes sortant guéries de l’hospice de la Salpêtrière.
[3] Les notes de fin sont de l’auteur de cette synthèse.
[4] Un asile par département. La loi de 1938 a changé leur dénomination, pourtant pleine de bienveillance, en hôpitaux psychiatriques. Ça n’a pas porté bonheur aux patients pendant la 2e guerre mondiale (45.000 morts de faim).
[5] Qui compte plus de 500 sortes de « désordres » dans sa version V !
[6] Centre d’Hébergement et de Réadaptation sociale. A partir de ce moment du récit, la vie de l’Œuvre va se parsemer de ces sigles qui reflètent à la fois la diversification des activités de l’association et celle des statuts administratifs de ses établissements. Table en fin d’ouvrage.
[7] L’auteur semble ne pas partager cette analyse par certains d’une cause budgéto-technocratique, mais il reconnaît aussitôt : la France n’a plus les même moyens qu’autrefois… Il attribue cette tension au vieillissement de la population qui augmente les dépenses de santé. Les décideurs sont contraints d’optimiser les coûts, de fermer et regrouper des unités. Nous avons développé par ailleurs une vision beaucoup moins indulgente de cette pénurie organisée des soins en France, dont on a sous les yeux de façon continue les conséquences délétères, telles que la raréfaction des médecins (y compris psychiatres et pédopsychiatres) consécutive au calamiteux numerus clausus, l’engorgement des services d’urgences par la fermeture des lits ordinaires ou, avec la crise de la COVID, la malencontreuse suppression des stocks publics de masques.
[8] Les asiles ayant mauvaise presse depuis la découverte de 45.000 décès par la faim durant la guerre (cf. note 4), le mouvement de désinstitutionnalisation recommandait de « désincarcérer » les malades hors de ces établissements et de les prendre en charge dans la cité par l’organisation de ce qui allait s’appeler le secteur psychiatrique, qui fut officialisé par décret en 1972. Le secteur pédiatrique sera créé en 1992.
[9] Dans un livre biographique (voir note 11 ci-dessous), Roger SALBREUX raconte comment, avec le Président de l’UNAFAM dans les années 2000, ils ont orienté leur contribution à la préparation de la loi de 2005 de façon à faire profiter la maladie mentale des moyens financiers alloués au secteur médico-social, la pénurie régnant déjà en psychiatrie, par la reconnaissance des handicaps psychiques, mentaux et cognitifs.
[10] Ceux que la HAS qualifiera d’« inadéquats », au nom du principe que « l’hôpital n’est pas un lieu de vie ».
[12] C’est, nous semble-t-il, une mise en œuvre des principes et modalités de la psychothérapie institutionnelle, mais bien au-delà du seul rééquilibrage des relations hiérarchiques patients/soignants à quoi l’auteur semble restreindre l’apport de la PI dans les pratiques de l’Œuvre Falret. Sur la PI, on pourra lire utilement deux articles sur cette même page, QUOI APRES L’HÔPITAL PSYCHIATRIQUE ? Un nouveau regard sur la Psychothérapie Institutionnelle : https://150000citoyens-sans-visage.smartrezo.com/article-quoi-apres-l-hopital-psychiatrique-un-nouveau-regard-sur-la-psychotherapie-institutionnelle.html?id=23645 ; et NOTES DE LECTURE : Psychothérapie institutionnelle en clinique privée : https://150000citoyens-sans-visage.smartrezo.com/article-notes-de-lecture-psychotherapie-institutionnelle-en-clinique-privee.html?id=23624. La PI est née dans le mouvement de la désinstitutionnalisation déjà cité à propos de la sectorisation psychiatrique (note 8). Elle l’a d’ailleurs initié.
[13] Ceux du Dr Vincent GIRARD (2009), intitulé « La santé des personnes sans chez soi » ; de M. Pascal JACOB (2013) qui propose tout un panel de mesures susceptibles d’améliorer l’accès aux soins des personnes handicapées ; de M. Denis PIVETEAU (2014), intitulé « Zéro sans solution » ; du Dr Michel LAFORCADE (2016), qui a largement inspiré la feuille de route pour la psychiatrie de Mme Buzyn (juin 2018).
[14] Une notion déjà opérationnelle de fait dans les établissements de psychothérapie institutionnelle.
[15] Mesure d’Accompagnement Social Personnalisé, pour assister les personnes qui en ont besoin sans recourir à la protection juridique (tutelle, curatelle, etc.) Dispositif réglementé, géré au niveau départemental.
[16] Me Catalina Devandas-Aguilar, avocate, rapporteur spécial de l’ONU sur les droits des personnes handicapées lors d’un passage en France en octobre 2017.
[19] Ces « inadéquats » (voir note 10) seraient au nombre de 12.000 (DREES, SEA 2017 : 11.883 patients hospitalisés depuis plus d’un an, plus 146 enfants dans le même cas.)